Règle de 3* / L'avion volera-t-il à l'hydrogène?
Une éolienne pendant 120 jours
360 éoliennes pendant 8 heures (la durée du vol)
9.000 m2 de panneaux solaires pendant un an
10.000.000 m2 pendant 8h
(1000 terrains de foot)
Du grain à moudre pour aller plus loin
Convertir une part significative des avions à l’hydrogène demande beaucoup d’électricité. Il faut donc soit augmenter notre production, soit compenser en réduisant d’autres usages.
On pourrait augmenter la production grâce au nucléaire, mais associer l’hydrogène à des énergies renouvelables offre un avantage important : l’hydrogène devient un moyen de stockage pour les énergies dites intermittentes (l’éolienne ne tourne que s’il y a du vent).
Développer suffisamment d’éoliennes ou de panneaux solaires n’a rien d’évident non plus. En effet, il faut suffisamment de matières premières pour les construire. Mais aussi, il faut leur trouver de la place! Soit en artificialisant encore plus d’espaces (ce qui n’est pas toujours possible), soit en rentrant dans un conflit d’usage des sols : agriculture, habitations, production d’énergie, industries ou commerces?
Dans un monde où la quantité d’énergie doit baisser (volontairement ou via des contraintes physiques comme la diminution des ressources disponibles), développer ou maintenir l’aviation, c’est privilégier cet usage au détriment d’autres.
Comparaisons intéressantes
Fin 2019, il y avait 16 vols quotidien Paris – New-York, soit près de 5 800 par an1. Il faudrait construire près de 2 000 éoliennes supplémentaires ou 52 km2 de panneaux photovoltaïques dédiés en permanence à cette unique ligne – des équipements à ajouter aux précédents puisque ceux qui existent fournissent de l’électricité pour d’autres usages.
Ces vols ne représentent que 1% des 515 000 vols annuels au départ de Charles de Gaulle chaque année2 mais, en ordre de grandeur, entre 5% et 10% de toute la distance parcourue depuis l’aéroport (puisque ce sont des longs courriers). Il faudrait donc installer 500 à 1 000 km2 de panneaux solaires ou 15 000 à 30 000 éoliennes pour tous les vols en provenance de l’aéroport.
La seule ligne Paris – New-York nécessiterait à elle seule d’augmenter de 1.5% la production électrique française. A titre de comparaison, en 2019, l’éolien a produit 6.3% de la production électrique totale3. Les panneaux photovoltaïques représentait 12 TWh4, soit 2.2%. Il faudrait, pour ce seul trajet, augmenter de 25% le parc éolien français ou de 65% le nombre de panneaux solaires.
Détails
- Un avion Paris-New York consomme 60 000 kg de kérosène pour un Boeing 747 – environ 12 litres (~10kg) par km, pour 6 000 km parcourus 5, 6, 7.
- Le kérosène a une énergie thermique de combustion de 43 M Joules par kg (ou 34.69 MJ/litre) 8.
- L’avion consomme donc une énergie thermique de 43*60 000 = 2 580 000 MJ, soit 717 MWh d’énergie thermique.
Hypothèse : Pour des raisons d’espace et de poids, on considère que l’avion utilise de l’hydrogène liquéfié (700hPa). En revanche, on omet l’augmentation potentielle d’énergie nécessaire pour transporter le poids supplémentaire lié au stockage de l’hydrogène.
Le processus de création de l’énergie électrique se décompose comme suit :
- production électrique
- conversion de l’électricité en hydrogène gazeux
- liquéfaction de l’hydrogène par compression
- conversion de hydrogène en électricité
Le rendement de la chaîne hydrogène, dite “power-to-H2-to-power”, est de 25% 10. Donc pour produire 360 MWh d’électricité, il faut 1 440 MWh d’électricité produite.
- Une éolienne a une puissance de 2 MW 11.
- Elle produit en moyenne 0.5 MWh par heure puisqu’elle a un facteur de charge de 25% 11. En effet, elle ne produit sur une année que 25% de ce qu’elle pourrait produire si elle fonctionnait en permanence à sa puissance nominale. Parce qu’elle est à l’arrêt à cause du manque du vent ou d’un vent trop puissant, de la maintenance, de la stabilisation du réseau, …
- Pour produire 1 440 MWh, il faut une éolienne pendant 1 440/(0.5) = 2 880 h
- Soit une éolienne pendant 120 jours
- 120 éoliennes pendant une journée
- 360 éoliennes pendant les 8 heures de vol
- En Europe, le solaire a un rendement de 160 kWh/an/m2 12
- Pour produire 1 440 MWh, il faut
- Soit 9 000 m2 pendant un an
- Soit environ 10 000 000 m2 pendant nos 8 heures de vol
Note : L’Atelier d’Ecologie Politique a également publié une analyse similaire ici.
*Règle de trois
En mathématiques, une règle de trois – ou produit en croix – est une méthode qui permet d’estimer une valeur à partir de trois autres, dès lors qu’elles suivent une règle de proportionnalité. Si une baguette coûte 1€, alors 10 baguettes coûtent : 10€.
A fortiori, elle désigne ici l’approximation rapide d’un questionnement simple, et ce, à partir de données accessibles, de règles de bon sens et de quelques hypothèses. Elle n’a donc pas vocation à déterminer parfaitement une valeur mais à en estimer un ordre de grandeur.
Références
- [1] Hubstart-Paris
- [2] BFM – Paris New-York devient la ligne long-courrier la plus concurrentiel au monde
- [3] EDF – L’éolien en chiffres
- [4] Wikipedia – électricité en France
- [5] How much fuel does a jumbo jet burn?
- [6] Fuel consomption – How stuff works
- [7] Aeronews-tv
- [8] Wikipedia – Carburant aviation
- [9] Wikipedia – Efficacité énergétique des voitures électriques
- [10] ADEME – Rendement de la chaîne hydrogène
- [11] Wikipedia – Énergie éolienne
- [12] Wikipedia – Panneau solaire