La guerre des Métaux Rares

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Guillaume Pitron, journaliste de formation et spécialisé dans les matières premières et leur conséquences géopolitiques, publie en 2018 La guerre des métaux rares sous-titré “La face cachée de la transition énergétique et numérique”. Il y livre une analyse systémique et géopolitique de la demande galopante en métaux rares, dont les propriétés particulières les rendent indispensables dans les technologiques numériques et les énergies renouvelables.
Des métaux si “rares” ?
Ces métaux, dont la dénomination peut paraître trompeuse puisque certains sont relativement abondants, trouvent leur “rareté” dans la quantité limitée qu’ils représentent par rapport aux autres métaux avec lesquels ils sont extraits, mais aussi dans la difficulté qu’il y a de les détecter, de les exploiter et de les purifier ; ils sont souvent présents en quantité non négligeable dans l’écorce terrestre mais de manière très irrégulière. La connaissance de leurs propriétés ne remonte essentiellement qu’à la seconde moitié du XXème siècle – bien qu’on les connaisse depuis plus longtemps. Plus formellement, 17 d’entre eux appartiennent à la famille communément admise des terres rares. Parmi leurs nombreux atouts, qui varient d’un métal à l’autre, on trouve les propriétés suivantes : aimants permanents miniaturisés, haute résistance, légèreté, supraconduction, … On les retrouve dans les composantes électroniques, les LED, les batteries, les lasers, les verres optiques, certains alliages légers ou lampes fluocompactes. Autant de composants dont sont friands les technologies de pointe telles que le numérique (écrans lumineux, batteries, conducteurs et alliages spécifiques, ou encore écrans présents dans les téléphones, les ordinateurs et les data centers), les voitures récentes (pots catalytique, batteries, phares, pare-brise anti-UV, moteurs, carburants) ou les énergies renouvelables (aimants des éoliennes et ou électronique des panneaux photovoltaïques) – métaux indispensables lors du fonctionnement et/ou de la fabrication.
Délocaliser la pollution
Historiquement, ces métaux ont été découverts et collectés dans les pays occidentaux. Leur extraction s’accompagnent de processus de raffinage et d’épuration qui intègrent des produits toxiques pour la santé, pour les sols et l’air ou les écosystèmes dans lesquels ils sont déversés. Cet impact écologique ne saurait avoir lieu dans les pays occidentaux qui se targuent de hauts standards environnementaux et sanitaires. Pour ces raisons, l’exploitation de ces ressources devient couteuse dans ces pays. Parallèlement et plus récemment, des États se sont spécialisés dans l’extraction de leurs ressources domestiques, en étant moins soucieux des principes sanitaires et écologiques, permettant de facto des coûts de reviens moins élevés. Et c’est cette délocalisation de la pollution que dénonce l’auteur sans son livre.
Des enjeux économiques et géopolitiques majeurs
D’autre part, le marché de la plupart de ces terres rares se compte en centaines voire milliers de tonnes par an. Environ 160.000 tonnes en les considérant toutes, soit une portion infime en comparaison des 2 milliards de tonnes du fer seul. Cette petite taille est propice à l’apparition de marché parallèle, d’entente hors-marché (liés à des stratégies géopolitiques ou à des accords bilatéraux) et d’agents endogènes qui ont la capacité d’entraîner une pénurie, ou, à l’inverse, d’inonder le marcher de manière à casser les prix et être le seul en mesure de fournir à bas prix – potentiellement à coût de dumping. Accusée d’avoir organisé sciemment de telles stratégie, la Chine a conquit le marché mondiale des terres rares. Forte de cette hégémonie, avec pour exemple plus de 80% de la production mondiale d’antimoine, de bismuth, de gallium, de magnésium et de tungstène, la Chine a décidé de profiter de la dépendance des pays importateurs. Pour mieux tirer profit de l’ensemble des produits finaux, à très forte valeur ajoutée, le pays à fortement augmenté ses taxes sur l’exportation des ressources brutes. Parallèlement, elle a incité les filiales des autres pays à venir s’installer sur son territoire pour y intégrer toute la chaîne de production, jusqu’au produit fini.
Cette internalisation de l’ensemble de la chaîne de valeur a permis à la Chine d’acquérir un savoir faire précieux – qui s’est conjointement perdu dans les pays occidentaux – qui s’accompagne d’une volonté plus large de prise de contrôle des technologie : conception des produits, valorisation avec de la robotique, de l’intelligence artificielle, cybersécurité, … avec ses propres acteurs et industries.
La prise de conscience, tardive, des États-Unis puis de l’Europe, les ont récemment forcé à définir des stratégies face à l’hégémonie de la Chine et au risque de dépendance. D’autant que les ressources de certains de ces métaux ne permettront pas de les exploiter longtemps, avec des pénuries à prévoir dans les décennies qui arrivent. Parmi les solutions envisagées, on trouve la diversification des importations (confronté parfois à l’instabilité des pays producteurs, comme en République Démocratique du Congo), l’exploration des ressources domestiques, mais également l’exploration des espaces maritimes (bénéfiques à la France qui possède l’un des plus grands au monde) ou bien même de l’espace.
L’auteur accompagne ses analyses de précieuses annexes quantitatives sur la liste des métaux rares, les pays producteurs et importateurs, leur utilisation, la composition de certains objets en métaux rares.
Pour aller plus loin :
– Conférence TedX de l’auteur (20 minutes)
– Conférence Thinkerview de l’auteur (1h30)
– Parce qu’il est intéressant de confronter les points de vue, pour qu’ils se complètent : une tribune du Monde “Il faut renverser l’infox des terres rares”
– L’élementarium, véritable gisement d’informations qualitatives et quantitatives sur les métaux rares, leurs caractéristiques, leur production, leur négoce, …