La sixième extinction

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Dans son livre “La sixième extinction”, sous-titré “Comment l’homme détruit la vie” (The Sixth Extinction: An Unnatural History en anglais, paru en 2014) et couronné du prix Pulitzer de l’essai, Elizabeth Kolbert, journaliste de formation, nous entraîne sur ses traces : au travers de ses divers voyages et rencontres scientifiques, elle relate et énumère les preuves, toujours plus nombreuses, de l’impact destructeur de l’homme sur l’environnement, notamment sur la biodiversité.
Des temps géologiques …
L’auteure nous livre un récit méthodique, mêlant deux histoires. La première est celle des temps géologiques, ces temps anciens qui ont vu se construire et se déconstruire les climats, les paysages et la biodiversité terrestre. Cette dernière a majoritairement connu une évolution continue, faite de changements permanents, d’apparitions et de disparitions incessantes mais lentes. Néanmoins, ce développement a connu des périodes atypiques, où des changements abrupts sont intervenus et ont modifié en profondeur les écosystèmes, le nombre d’espèces et le nombre de représentants de chacune d’entre elles. Ces ères, de transitions, durant entre quelques milliers à millions d’années – relativement courtes à l’échelle des temps géologiques – ont profondément marqué la vie sur Terre. Notamment par un déclin des espèces en présence, si massif qu’il en a laissé des séquelles visibles et à l’étude aujourd’hui. Ces périodes si déterminantes sont qualifiées d’extinctions massives, ou de crises biologiques. Et c’est l’étude des traces de ces extinctions que l’auteure nous propose de suivre conjointement.
… aux découvertes scientifiques
La seconde histoire, c’est celle des découvertes scientifiques qui ont été à l’origine de notre compréhension des mécanismes d’apparitions. Bien que naturellement admise aujourd’hui, comment imaginer, sans qu’on nous l’ait enseigné, que les espèces qui nous entoure n’ont pas toujours été là. Qu’elles apparaissent et disparaissent au gré des changements environnementaux et de leurs écosystèmes ; et que, chose bien étonnante qu’on s’est refusé d’admettre lors de la découverte des premiers fossiles, certaines espèces n’existent plus. Comment comprendre que ces espèces disparues sont cousines avec celles qui vivent aujourd’hui? Et enfin, comment admettre que notre histoire, l’histoire des humains, est intimement liée à celle de la vie qui nous entoure ?
Bien qu’appuyées par des techniques scientifiques, ces découvertes ont tantôt été freinées puis permises par la capacité de l’Homme à se projeter dans de nouveaux paradigmes, de nouvelles manières d’envisager sa relation avec son environnement. Que ce soit Cuvier, Darwin ou Alvarez, de nombreux scientifiques se sont succédés pour retracer l’histoire du vivant telle qu’elle est dispensée aujourd’hui. Parmi les découvertes les plus récentes, on retrouve les extinctions massives dont on est capable de dire qu’elles présentent des similarités alarmantes avec l’érosion de la biodiversité, faune et flore confondues, telle qu’on la connait maintenant. En effet, que ce soient les amphibiens d’Amérique centrale, les chauves souris d’Amérique du Nord, les espèces endémiques d’Amazonie ou la biodiversité marine en Australie ou en Méditerranée, peu d’espèces semblent épargnées par les changements majeurs que l’humain impose à son environnement. Ce sont ces preuves qui ont conduit une large partie de la communauté scientifique, hétérogène par ses compétences mais unie par ses conclusions, à considérer ces signaux comme les prémisses d’une sixième extinction massive, dont le principal responsable serait l’Homme.
Extinction ou crise de biodiversité ?
Elizabeth Kolbert réalise, dans ce livre, un admirable travail de compilation et d’analyse transdisciplinaire, en allant notamment à la rencontre des scientifiques sur le terrain. Certains apprécieront la technique narrative puisqu’elle distille un développement scientifique riche au travers d’entretiens, de voyages, d’expéditions et de récits. Il est toutefois important de signaler que ce travail n’a pas de vocation universitaire puisqu’il ne réalise pas de recherche académique à proprement parler.
D’ailleurs, il subsiste, dans la communauté scientifique, une divergence sur la légitimité d’appeler la crise actuelle une “extinction”. En effet, dans son entendement scientifique, une extinction revêt un sens bien précis (on peut trouver “extinction de plus de 75% des espèces sur une période de temps géologique courte”, comprendre moins de 2 millions d’années). L’époque actuelle ne répond pas à ces critères, puisqu’il n’y a pas eu, au sens strict, beaucoup d’extinctions (dans les espèces connues). En revanche, le nombre de représentants de chaque espèce diminue à des rythmes très inquiétants, à des rythmes bien supérieur à ceux observés (ou estimés) en dehors des extinctions. Et sur des temps beaucoup plus courts que précédemment. D’où un usage du terme extinction, dérivé de son origine scientifique précise, mais qui dépeint une réalité que personne ne conteste, bien que certains lui préfère l’expression de “crise de la biodiversité”.
Pour aller plus loin :
– Extinction de l’Holocène, Wikipédia.
– L’érosion de la biodiversité : une réalité mesurable?, par le Muséum National d’Histoire Naturelle
– Vers une sixième grande crise d’extinctions ?, Anne Teyssèdre, 2004
– Where does biodiversity go from here? A grimbusiness-as-usual forecast and a hopeful portfolioof partial solutions, Paul R. Ehrlich and Robert M. Pringle, 2008
– Has the Earth’s sixth extinction already arrived?, Anthony Bardosky et al, 2011. in Nature.
– Car il est important de confronter les points de vue, un contre argumentaire : We are not Edging up to a Mass Extinction
Il existe de très nombreuses ressources, notamment sur le nombre d’espèces disparues et menacées, sur les pourcentages de représentants (mammifères, amphibiens, oiseaux, …) déjà disparus, ou en voie de l’être. Comme il nous est impossible tout référencer, nous vous invitons à vous renseigner, notamment avec les termes “Extinction de l’Holocène”.