Revue de l’OFCE : Écologie et inégalités

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L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) est un “organisme indépendant de prévision, de recherche et d’évaluation des politiques publiques”, regroupant plus de 40 chercheur.euses. Leur mission ? “Mettre au service du débat public en économie les fruits de la rigueur scientifique et de l’indépendance universitaire”, en conduisant leurs propres travaux, théoriques et empiriques.
Une économie contemporaine déconnectée de l’environnement
En janvier 2020, la revue de l’OFCE propose un numéro spécial sur les liens entre écologie et inégalités. Extrêmement clair et précisément sourcé, il s’adresse à tous les publics, même les moins économistes. Long de 170 pages, les plus pressés liront au moins l’excellente introduction.
Divisée en deux parties, elle permet de comprendre dans un premier temps, les liens entre écologie et économie, puis dans un second temps, les interdépendances entre inégalités sociales et inégalités écologiques, en adoptant une perspective historique, politique mais aussi philosophique. Nous vous avons succinctement résumé la première partie de l’introduction ci-dessous.
Celle-ci retrace avec clarté l’évolution historique de l’économie de l’environnement, depuis le mouvement conservationniste aux Etats-Unis à la fin du XIXème, aux travaux de l’équipe Meadows sur les limites de la croissance, en passant par la “règle de Hotelling” qui prône le marché comme principe régulateur de la gestion des ressources naturelles.
L’auteur souligne combien la sphère économique contemporaine ignore grandement -parfois par inculture, parfois par désintérêt- les enjeux écologiques, au point de pouvoir fermer les yeux sur le consensus scientifique concernant les dangers du réchauffement climatique, comme le propose par exemple le prix Nobel d’économie de 2018 et son modèle de croissance accompagné d’une température de +3,5° d’ici la fin du siècle. Ainsi, ces économistes -majoritaires- affirment-ils que “croissance économique et changement climatique sont foncièrement compatibles”. Or Eloi Laurent rappelle qu’ “en l’état actuel des données disponibles, cette hypothèse se révèle clairement fausse : chaque unité supplémentaire de PIB a fait et fait augmenter les émissions de CO27″*.
Dès lors, comment faire résoudre ce hiatus entre l’économie contemporaine et l’impératif écologique qui s’impose de plus en plus urgemment à nos sociétés ? Les solutions d’Eloi Laurent sont les suivantes:
- “D’abord en admettant que les règles du foyer humain (telle que la croissance) ne peuvent pas s’imposer aux lois du grand foyer naturel (telle que le climat)”: donc en comprenant “qu’il n’y a pas, en réalité, d’économie sans environnement”
- “Ensuite en articulant la question sociale au défi écologique pour mieux souligner la complémentarité entre le bien-être humain et la préservation de la Biosphère”, et il faut pour cela sortir en premier lieu d’une logique court-termiste dans la gestion de nos sociétés.
- Enfin, il faut donc ouvrir l’économie, jusqu’ici enfermée dans ses propres concepts et théories, aux autres disciplines, afin qu’elle soit “bornée en amont par la biophysique et en aval par l’éthique”, pour pouvoir combiner justice sociale et soutenabilité environnementale.
Mener une transition écologique, mais aussi économique et sociale
Ce numéro de la revue de l’OFCE tente de répondre à “deux exigences – l’enrichissement par l’interdisciplinarité et l’articulation entre justice et soutenabilité” – , en réunissant des philosophes, des climatologues, des juristes, des sociologues et des économistes autour de la question d’une “transition juste”.
“Imaginer une transition signifie en effet devoir répondre à trois questions fondamentales : pourquoi le monde dans lequel nous vivons n’est-il plus souhaitable, dans quel monde voulons-nous vivre désormais et comment passer d’un monde à l’autre ?”
Pour répondre à ces enjeux, ce numéro propose 3 angles d’attaque:
- tout d’abord, comprendre “les différents canaux de transmission entre la crise climatique et l’augmentation des inégalités économiques et sociales”: quels sont les liens entre les deux et quelle est “réalité empirique des inégalités environnementales du point de vue sociologique et économique” ?
- puis, analyser les fondements historiques, idéologiques et philosophiques de ces inégalités, pour pouvoir ensuite proposer “des politiques publiques informées par la réalité révélée par les sciences dures et guidées par des principes de justice”.
- enfin, redéfinir de nouveaux indicateurs économiques, non plus fondés sur la croissance, mais articulant “bien-être et soutenabilité” -deux concepts complémentaires et interdépendants-, et intégrer ces indicateurs dans l’ensemble des politiques publiques.
*Pour comprendre les liens entre PIB et énergie/émissions de CO2, on vous invite à regarder le premier cours de Jean-Marc Jancovici aux Mines de Paris.